Le cas d’école du groupe Lagardère a démarré depuis le décès de Jean-Luc Lagardère en 2003 et sa succession par le biais son fils, Arnaud Lagardère. Cette fois ce cas d’école théorique va donner lieu à une bataille juridique réelle avec une forte contestation de la part d’Amber Capital et un épilogue attendu lors de l’AG du 5 mai.
Ainsi, le fonds activiste Amber Capital qui est devenu le premier actionnaire du groupe avec 18% du capital, veut coaliser les autres actionnaires pour opérer un changementà 80% du Conseil de surveillance avec l’élection d’un nouveau président qui pourrait être Patrick Sayer, anciennement président d’Eurazeo. Il remplacerait en cas de victoire du fonds, Patrick Valroff.
Ensuite, Amber Capital veut changer la forme de SCA même s’il ne récuse pas dans l’absolu cette forme juridique. En effet, le fonds accuse Arnaud Lagardère d’avoir pu prendre sans contrepoids des décisions malheureuses via le régime de la commandite. Ce règime lui a permis de décider seul de la destinée du groupe même s’il ne détient plus que 7% du capital. D’ailleurs, Joseph Oughourlian, le patron d’Amber Capital, n’exclurait pas d’indemniser Arnaud Lagardère pour mettre fin à la commandite et ne pas renouveler son mandat en mars 2021.
Ces décisions contestées à posteriori, sont pêle-mêle la cession de 15% du capital d’EADS (Airbus actuellement) ainsi que la participation dans Canal+. De même, il est reproché à Lagardère d’avoir investi un temps dans la gestion des droits sportifs. Idem, Arnaud Lagardère est accusé de piloter les dividendes (un D/Y de 7,3%) en fonction des échéances de sa dette personnelle et non en raison de l’intérêt du groupe et des filiales. Pour 2020, Amber demande de supprimer totalement les dividendes pour économiser 130 millions d’euros de cash.
Dans cette bataille, Arnaud Lagardère pourra compter sur Vivendi qui vient de franchir le seuil de 10% du capital tout en poursuivant ses rachats. De plus, la cooptation de Sarkozy et de Pepy au Conseil de surevillance, devrait permettre à Lagardère de rallier le capitalisme français. Aussi, QIA qui détient 13% du capital peut jouer le rôle d’un arbitre alors qu’Amber Capital va certainement coaliser plusieurs fonds d’investissement et petits porteurs avec le soutien des agences de conseil en vote comme ISS, Glass Lewis et Proxinvest.
Pour rappel, Lagardère est composé de quatre branches d'activités : Lagardère Publishing (29% du CA), Lagardère Travel Retail (55% du CA), Lagardère Sports and Entertainment (9% du CA) et Lagardère Active (7% du CA). Toutefois, depuis 2018, le groupe a amorcé un recentrage stratégique sur deux branches prioritaires : Lagardère Publishing (JDD, de Paris Match, d’Europe 1) et Lagardère Travel Retail (troisième opérateur mondial de Duty Free). D'ailleurs, dans sa communication trimestrielle avec un CA en baisse de -12,5%, Lagardère n'a présenté que les deux activités cibles.
Cette stratégie est d’ailleurs partagée par Amber capital qui souhaite aller plus vite dans la cession des actifs non stratégiques tout en donnant les moyens financiers nécessaires aux filiales stratégiques et en améliorant la gouvernance.
En conclusion, ce cas d’école nous rappelé l’importance pour les groupes de ne pas céder à la tentation de céder des filiales génératrices de cash pour financer des investissements à la mode ainsi que des dividendes. De même, en Bourse, le charisme et la vision des patrons comptent autant sinon plus que les structures juridiques et capitalistiques.